Échange épistolaire entre André-Carl Vachon et Jean-Marie Nadeau – 6 octobre 2020

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Échange épistolaire entre André-Carl Vachon et Jean-Marie Nadeau – 6 octobre 2020

Jean-Marie Nadeau

Auteur

André-Carl Vachon

Auteur
3e lettre : André-Carl Vachon

Titre : L’Acadie rêvée au temps de la renaissance acadienne

Bonjour Jean-Marie,

Merci pour ta réponse et pour tes compliments! Quand on pense à tout ce qui a été accompli depuis « Ti-Louis Robichaud », les Acadiens du Nouveau-Brunswick ont de quoi être fiers et l’on ne peut que dire merci à tous ces grands bâtisseurs!

Il y a longtemps que les Acadiens ont décidé de se concerter et d’unir la diaspora acadienne. L’idée est née lors d’un grand rassemblement des francophones de l’Amérique du Nord à Québec en 1880. Cette rencontre était organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste. Pendant ce rassemblement, les Acadiens ont décidé d’organiser la première Convention nationale des Acadiens à Memramcook l’année suivante. Le but de cette convention est de discuter de l’avenir collectif des Acadiens.

La première Convention s’est tenue les 20 et 21 juillet 1881 à Memramcook au Nouveau-Brunswick. Pour l’occasion, plus de 5 000 personnes se sont déplacées pour assister à ce rassemblement. Toutefois, seulement l’élite intellectuelle peut assister aux discussions où les décisions sont prises. Dans ces réunions, il y a des politiciens, des prêtres, des avocats, des enseignants, des médecins et des marchands. Les discussions portent sur l’avenir du peuple, la langue, l’éducation, la presse, la religion, l’exode et la colonisation.

Lors de cette Convention, l’élite crée la Société Nationale l’Assomption. C’est l’organisme à l’origine de la Société Nationale de l’Acadie qui existe aujourd’hui, comme tout le monde le sait, et qui a pour mission de promouvoir les intérêts des Acadiens des provinces maritimes.

Toujours pendant la même Convention, les Acadiens ont réfléchi à un moment pour célébrer la fête nationale des Acadiens. Ils ont choisi la fête de Notre-Dame-de-l’Assomption, qui est célébrée le 15 août. Depuis ce moment-là, les Acadiens, où qu’ils soient dans le monde, célèbrent la fête nationale acadienne le 15 août.

La deuxième Convention nationale des Acadiens a eu lieu trois années plus tard, soit du 13 au 15 août 1884, à Miscouche, Île-du-Prince-Édouard. Lors de cette Convention, les Acadiens choisissent le drapeau qui représente le peuple acadien. Il s’agit du drapeau de la France (bleu, blanc, rouge), mais avec la distinction d’une étoile de couleur jaune dans la partie bleue, en haut à gauche. Ils ont aussi adopté l’hymne national, l’insigne et la devise des Acadiens. L’hymne national choisi est l’Ave Maris Stella (Je vous salue Étoile de la mer) ; un chant religieux en l’honneur de Marie, la patronne des Acadiens. Quant à l’insigne, elle est devenue les armoiries de la Société Nationale de l’Acadie depuis 1995. On reconnaît l’insigne par son fond bleu azur, avec une goélette voguant à pleines voiles dorées, avec un drapeau au bout d’un mat où l’on peut lire le mot « Acadie ». La goélette est guidée par une étoile rayonnante qui symbolise Marie et l’espoir. La devise, c’est : « L’union fait la force ».

L’une des discussions importantes lors de cette deuxième Convention concerne l’anglicisation que l’on essaie de freiner dans les communautés acadiennes. Sujet qui est toujours d’actualité.

En tout, il y a eu seize Conventions nationales acadiennes entre 1881 et 1979.

Celle de 1921 a été importante, car grâce à celle-ci, tous les Acadiens peuvent maintenant aller s’y recueillir. En effet, lors de cette Convention, l’élite lance une campagne de financement pour la construction d’une chapelle commémorative à Grand-Pré. La Société Nationale l’Assomption venait d’acheter les terrains à Grand-Pré.

Comme on a pu voir, ce sont des sujets encore très actuels. Jean-Marie, peux-tu nous raconter comment est née l’idée du Congrès Mondial Acadien? Ensuite, comment vois-tu l’avenir de l’Acadie?

Au plaisir de te lire!
André-Carl Vachon

 

4e lettre : Jean-Marie Nadeau

Titre : La naissance du CMA et l’avenir de l’Acadie

Bonjour André-Carl,

Merci pour ta dernière lettre! Quand on y pense, l’Acadie a une histoire intéressante nonobstant certaines turbulences. Le plus important, c’est qu’on est encore debout comme le chante Calixte Duguay. Je suis content d’avoir servi durant toute ma vie cette Acadie si chère.

Tu me demandes comment est née l’idée du Congrès Mondial Acadien. C’est un peu se demander comment naît toute idée? Ça relève du domaine du mystérieux. Il est à se demander si les premières conventions nationales n’ont pas été des formes de congrès mondiaux acadiens avant le temps. Pour ce que sont les CMA modernes, dont je suis reconnu comme l’idéateur, et bien, voici!

De 1985 à 1989, j’ai été secrétaire général de la Société nationale de l’Acadie. Cette fonction m’amenait à m’occuper des relations extérieures et mondiales de l’Acadie avec la francophonie. Qui dit francophonie disait aussi Acadie de la diaspora celle de la France, du Québec, de la Louisiane, de l’Amérique du Nord…J’étais donc amené au nom de la SNA à entretenir des liens avec ces franges d’Acadie.

J’ai donc voyagé dans chacun de ces morceaux d’Acadie donc en France, en Louisiane, au Québec, et même en Communauté française de Belgique et dans le Jura suisse. Quand j’y rencontrais des personnes et des organisations, on me demandait assez systématiquement, comment comme individus ou comme organismes, l’on pourrait devenir membre de la SNA. Tout ce que je pouvais leur répondre, c’est que c’était impossible. Pourquoi?

Tout simplement parce que la SNA est une organisation fédérative du Canada atlantique qui réunit les organisations provinciales acadiennes et les organisations provinciales des jeunes des quatre provinces atlantiques. De plus, il n’y a pas de membre individuel. Mais, ça me frustrait d’être réduit à donner une telle réponse.

Ce qui devait arriver, arriva! Après de multiples invitations à rencontrer et à faire des discours auprès de différents groupes acadiens dans le monde, j’ai finalement été invité comme conférencier à la réunion de fondation de l’Association acadienne de l’Alberta en mai 87 à Edmonton. C’est lors de ce discours que j’ai émis publiquement pour la première fois l’idée d’un Congrès Mondial Acadien. Mon raisonnement était simple : comme ces regroupements acadiens ne pouvaient devenir membres de la SNA, et qu’ils semblaient avoir ensemble une volonté de se réunir, pourquoi ne pas faire comme d’autres peuples dans le monde comme les Arméniens, les Juifs ou les Irlandais et de lancer un appel mondial à se joindre. Le reste appartient à la petite histoire, vu le succès des six premières éditions des CMA.

Sans mon idée, et surtout sans la détermination d’André Boudreau comme réalisateur du premier CMA, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Même si la SNA était contre l’idée du CMA lorsque j’ai lancé l’idée, je me réjouis qu’elle en assure aujourd’hui la pérennité comme fiduciaire.

Pour ce qui est de l’avenir de l’Acadie, je rêve au maximum d’autonomie. Je n’ai pas mis de croix sur l’idée de province acadienne. En ce moment, l’idée d’Assemblée nationale acadienne qui circule me plait bien. Le plus grand défi à court terme, c’est que l’on s’assure que l’égalité formelle devienne vraiment réelle. On a encore du pain sur la planche.

Voilà mon cher André-Carl, quelques vibrantes pensées sur cette Acadie que l’on aime tant!

Acadiennement vôtre,
Jean-Marie Nadeau